Critiques faites maison et en français des spectacles de l'Opernhaus de Zürich. Si vous n'êtes pas bilingue, ça va plus vite que de les lire en allemand

dimanche 4 octobre 2015

Corigliano - Conjurer

"Orchestermagie"

John Corigliano - Concerto pour percussionniste et orchestre à cordes "Conjurer"

Igor Stravinsky - Symphonie des Psaumes

Maurice Ravel - Alborada del gracioso & Boléro

Direction : Lionel Bringuier - Percussions :  Martin Grubinger

Tonhalle Zürich, 23 septembre 2015


Quelques mots sur l'un des concerts de rentrée de la Tonhalle, à savoir Orchestermagie. Un choix d'oeuvres surprenant dont la pièce forte est sans aucun doute possible "Conjurer", le concerto pour percussionniste du compositeur américain John Corigliano. Composé en 2008 pour la percussionniste écossaise Evelyn Glennie, Conjurer était ce soir interprété par un autre prodige, l'Autrichien Martin Grubinger.

S'exprimant sur son concerto, Corigliano soulignait la difficulté de faire du percussionniste le soliste, de part la multitude d'instruments différents que celui-ci maîtrise. Conjurer est sa solution au problème suivant: comment écrire un concerto pour percussionniste, dans lequel le soliste joue d'une multitude d'instruments, tout en restant toujours au premier plan de la partition, et où les mélodies sont introduites par le percussionniste et non pas par l'orchestre ?

L'oeuvre qui en résulte fait appel à 16 instruments ou batteries d'instruments différents (du tam-tam aux cloches tubulaires,  des cymbales au marimba), chacun des 3 mouvements du concerto se focalisant sur une grande famille d'instruments : bois, puis metal, puis peaux. La partition surprend par le contraste entre l'orchestre, jouant une partition de facture très classique, et la partition de percussions beaucoup plus moderne, radicale et violente, aux sonorités atypiques. Malgré ce contraste, l'orchestre et le soliste se répondent et s'accompagnent parfaitement.

Le rôle du soliste paraît terriblement exigeant, le percussionniste devant enchaîner les séquences demandant d'abord une grande délicatesse, puis une extrême rapidité, tout en devant changer continuellement et très rapidement d'instruments et de technique. Et si Martin Grubinger, virtuose, semblait plus heureux qu'aucun autre interprète qu'il m'aie été donnée de voir de pratiquer son art, je n'avais jamais vu aucun interprète devoir déployer une telle énergie physique et faire preuve d'un tel engagement dans l'oeuvre.

Dans tous les cas, Grubinger et le Tonhalle Orchester, dirigé comme de coutume par Lionel Bringuier, firent une interprétation brillante de ce beau et atypique concerto,  à la singulière intensité : chose que je n'avais encore pas ressenti à un concert, à la dernière note posée, j'ai eu l'impression de sortir d'une longue apnée et d'avoir besoin d'un palier, d'une pause pour reprendre mon souffle.

D'une certaine manière la fade interprétation de Stravinsky avait au moins le mérite de laisser reprendre son souffle tranquillement avant les deux morceaux de Ravel, où Lionel Bringuier prouvait avec brio à quel point l'extrême précision est la clef du Boléro : un message très bien entendu par les cordes, nettement moins côté tuba.

Swann

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