Der Freischütz - Opéra en trois actes de Carl Maria von Weber, sur un livret de Johann Friedrich Kind (1821)
Direction : Marc Albrecht - Mise en scène : Herbert Fritsch
Opernhaus Zürich, 21 septembre 2016
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Max (Christopher Ventris) - Crédit photo : Hans Jörg Michel |
Der
Freischütz est un opéra romantique de Carl Maria
von Weber créé en 1821 à Berlin. On y raconte les aventures du pauvre Max,
chasseur, qui doit réussir pour obtenir la main de son aimée un concours de
tir. Craignant d’échouer, il se laisse convaincre par Kaspar de forger des
balles magiques, ruse de Kaspar, qui a vendu son âme au diable Samiel, et qui
compte sur ce tour pour livrer Max à Samiel. Tout finira bien, Max se marie à
Agathe, Kaspar est tué par sa propre balle magique, l’ordre et l’harmonie sont
rétablis dans la forêt. Soyons francs : on a fait mieux, comme livret.
C’est de l’opérette pastorale chez les braves paysans, et tout cette histoire
n’est pas bien intéressante.
Herbert Fritsch est du même avis, mais au
lieu d’attaquer à la masse de démolition l’œuvre comme pour King Arthur, dans l’espoir que les
gravas seront plus intéressants, il choisit fort heureusement une approche plus
fine, plus subtilement subversive et finalement très efficace. Il colle au
livret cette fois-ci, mais prend un peu de distance et ajoute une certaine
ironie dans le traitement d’un texte sinon passablement niais et ennuyeux.
Ainsi, le village des braves paysans ressemble à un village-jouet abstrait,
avec de grandes formes géométriques figurant une maison, une église. Les
costumes de Victoria Behr, assez jolis (un très grand progrès comparé au
concours de laideur entre ses costumes pour King
Arthur), sont de même des versions outrées, parodiques, des costumes de
chaque personnage. Chacun des personnages, caricature vivante dans le livret
(le vieux forestier, le brave chasseur, la frêle jeune fille, le bon prince…)
sont gentiment tournés en ridicule par leur costume et leur jeu, sans pour
autant dénaturer les personnages. Non, il s’agit juste de ne pas prendre le
livret avec trop de gravité ou de sérieux, il ne le mérite pas vraiment. Aussi,
Fritsch fait du démon Samiel (Florian Anderer), qui n’apparait théoriquement
que très rarement, un ressort comique : tout le temps sur scène mais
invisible aux personnages, c’est un grand personnage souriant avec une barbe à
la Méphistophélès habillé d’un juste-au-corps, d’une cape et d’un chapeau rouge
vif, doté d’une queue fourchue qui traîne par terre derrière lui, qui se
balade, grimpe sur le décor et fait le pitre, en attendant que le malheur
s’abatte sur les personnages. Dans un opéra sérieux, ça ne marcherait pas, mais
voir Samiel tenter de libérer sa queue, pendant un chœur un peu longuet, du
personnage qui a mis le pied dessus, est assez jubilatoire et offre une
respiration bienvenue. Le succès de cet effet doit beaucoup au talent de mime
et pour l’humour visuel de Florian Anderer, très drôle. La mise en scène n’est
pas géniale pour autant, certes, et on peut douter de la capacité de Fritsch à
monter des œuvres plus sérieuses et de plus grande envergure s’il leur applique
la même recette, mais elle demeure tout à fait plaisante : il a su faire
preuve à raison de plus de retenue, sa mise en scène est moins invasive et
nettement mieux dosée, on peut juste se
plaindre qu’il en fasse encore un poil trop. Samiel est ainsi un peu trop
employé, et distrait à quelques moments par ses élucubrations de la musique,
pourtant très agréable.
Musicalement, je me suis découvert un grand
amour pour la partition de Weber, une très élégante synthèse entre Mozart et
Beethoven, très bien dirigée par Marc Albrecht, et servie par une très bonne
distribution, Christopher Ventris en tête dans le rôle de Max. C’était donc,
pour moi une très bonne surprise ce soir-là.
L'Enlèvement au sérail - Singspiel en trois actes de Wolfgang Amadeus Mozart, sur un livret de Gottlieb Stefanie (1782)
Direction : Maxim Emelyanychev - Mise en scène : David Hermann
Opernhaus Zürich, 11 novembre 2016
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Konstanze (Olga Peretyatko) & Bassa Selim (Sam Louwyck) - Crédit photo : T + T Fotografie / Tanja Dorendorf |
En un mot : une perte de temps
En revanche, j’ai renoué avec mes vieilles
habitudes dès la deuxième production de l’année, en partant à l’entracte de l’Enlèvement au sérail de Mozart, dans
une mise en scène indigente de David Hermann, et sous la direction contestable
de Maxim Emelyanychev.
Musicalement, on est devant ce que j’ai
baptisé en mon for intérieur « l’effet cassette », en souvenir du son
grésillant et sans ampleur du magnétophone sur lequel tournais
sempiternellement la même cassette fatiguée de concerto de Mozart pendant les
vacances. Concrètement, cela donne une direction molle, sans dynamique, aux
attaques imprécises, l'orchestre La Scintilla brillant par son absence de relief et de netteté : autant s’écouter un bon enregistrement sur CD à la
maison. Ni Pavol Breslik en Belmonte, ni Olga Peretyatko en Constanze, ni le
reste de la distribution ne sont à jeter aux orties, mais aucun ne convainc.
Côté mise en scène, David Hermann n’a
aucune idée de mise en scène proprement utile, rien ne vient réellement porter
l’intrigue, ses seuls apports sont des gadgets qui n’apportent rien (les
janissaires remplacés par des femmes en tchador) ou nuisent à la mécanique
dramatique (une scène dans un restaurant où les convives se plaignent du bruit
que font les solistes, des changements de décor en veux-tu en voilà à n’y plus
rien comprendre). La seule idée potentiellement intéressante consistait à
apparier les personnages en paire maître-serviteur, et en habillant et
maquillant les interprètes de chaque paire de manière semblable. Un moyen
intéressant de pointer la symétrie entre le monde des nobles et celui des
serviteurs, que l’on retrouve presque toujours chez Mozart en particulier. Las,
Hermann se contente juste de faire entrer et sortir les personnages de la scène
au hasard, sans respect pour le livret. On a l’impression qu’Hermann ne sait
pas vraiment mettre en scène (de fait, il y a très peu de jeu de la part des
personnages « actifs » dans chaque scène), et se contente de noyer le
poisson dans des artifices sans intérêt et qui rendent l’œuvre illisible.
A endurer une interprétation médiocre dans
une mise en scène lourde et sans intérêt, j’ai donc décidé qu’il y avait
meilleur usage à faire de mon temps qu’en endurer 90 minutes de plus.
Swann
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