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Marcel Proust, parrain de la cérémonie des Marcels à son insu |
Si la pause
estivale laisse le temps de faire la rétrospective de la saison écoulée, c’est
aussi, du moins sur Opernhaus VF, la saison des prix, avec notre grande
Cérémonie des Marcels 2016. Les Marcels d’Or et d’Argent couronnent le meilleur
de ce que nous avons vu et dont j’ai fait la chronique sur ce blog au cours de
la saison écoulée. Ils s’accompagnent aussi d’une distribution de bonnets d’âne,
les Marcels de Plomb, invitations amicales aux récipiendaires à donner une
nouvelle direction à leurs petites carrières. Le jury des Marcels se compose de
votre serviteur Swann, d’une bonne théière de thé Mariage Frères (thé noir, du
Yunnan impérial), et de l’ordinateur portable sur lequel j’écris ces lignes.
C'est la gloire !
Une année
est un temps finalement assez long, pendant laquelle on a le temps de voir
beaucoup et sans doute trop : 21 articles ont été posté sur ce blog au
cours des douze derniers mois relatant concerts, ballets et opéras. Face à
cette abondance relative, il semble nécessaire de revenir quelques peu sur nos
pas. C’est l’objet des Marcels, distinguer ce qui valait franchement le coup d’être
vu, et qui mérite notre attention et une prise de risque la prochaine fois que
nous voyons son nom à l’affiche.
C’est la honte !
A l’inverse,
pourquoi distinguer aussi le mauvais ? Il y a certes pour moi une
dimension cathartique, mais ce n’est pas l’objet. S’il est évident que des
sensibilités différentes existent, qu’un même spectacle peut plaire ou déplaire
selon les personnes, il existe aussi pour moi des absolus, à savoir des
spectacles ou des éléments de spectacles objectivement mauvais.
Malheureusement, ce genre de choses n’est dénoncé que trop rarement par les
pages culturelles de la presse, qui ne semble pas avoir le courage de se mettre
quelques personnes à dos en écrivant noir sur blanc qu’une mise en scène est
nulle. Ou bien, si c’est le cas, le journal concurrent dira l’exact opposé (les
deux grands quotidiens zurichois se contredisent presque pour chaque opéra).
Mon but est donc de pointer un index accusateur et vengeur sur l’objectivement
nul et sur les faussaires qui profitent des idiosyncrasies de la presse, de sa
parfois coupable indulgence, pour continuer à dégouter les spectateurs d’avoir
une vie culturelle un peu plus ambitieuse que la première de Magic Mike XXL au
Corso.
Concerts
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Bernard Haitink |
Marcel d’Or – Concert classique
Solistes :
Camilla Tilling et Christian Gerhaher
Chœur :
Zürcher Sing-Akademie
Direction :
Bernard Haitink – Tonhalle-Orchester Zürich
Bernard
Haitink livrait une interprétation magistrale du requiem de Brahms, et en faisait
vraiment ce requiem humain souhaité par Brahms. Une grande émotion.
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Lionel Bringuier Crédit photo : Priska Ketterer |
Marcel d’Argent – Concert classique
Erik Satie
– Gymnopédies I & III, orchestration par Claude Debussy
Direction :
Lionel Bringuier – Tonhalle-Orchester Zürich
C’est une œuvre
courte et d’une moins grande ampleur, mais la version pour orchestre des
Gymnopédies d’Erik Satie, dirigée par Lionel Bringuier, est désormais l’un des
plus beaux morceaux pour orchestre que je connaisse (la partition originale
pour piano, interprétée par Aldo Ciccolini, étant l’un des plus beaux morceaux
pour piano que je connaisse).
Marcel de Plomb – Concert classique
Direction :
Herbert Blomstedt – Tonhalle-Orchester Zürich
Un grand
chef qui massacre à la limite du reconnaissable Grieg et Dvorak, et entrecoupe
d’un concert de dissonances et d’expérimentations lourdingues sur un pauvre
piano qui n’avait rien demandé. Les musiciens non plus, et ils semblaient plus
peinés que moi.
Marcel spécial
Stricto-sensu,
ce n’est pas de la musique classique, même si leur recherche artistique et
formelle se rapproche plus du classique que de la pop à mes yeux. Toujours
est-il que les concerts de Kraftwerk sont une expérience audio-visuelle,
artistique, fascinante et en constante évolution. Ruez-vous sur les billets de
leurs rares concerts si l’occasion se présente.
Ballet
Marcel d’Or – Ballet
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Alexander Jones & Katja Wünsche - Crédit photo : Gregory Batardon |
Chorégraphie
de Douglas Lee
Katja
Wünsche et Alexander Jones
&
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Viktorina Kapitonova & Manuel Renard - Crédit photo : Gregory Batardon |
In the middle, somewhat elevated
Chorégraphie
de William Forsythe
Ballet
Zürich
William Forsythe développe une grande maestria dans son exercice de déconstruction des codes du ballet. Douglas Lee, en utilisant les mêmes codes que Forsythe détourne, et en visant la simple recherche esthétique, parvient à un résultat plus simple mais tout aussi frappant, peut-être plus, et d’une très grande beauté.
Marcel d’Argent - Ballet
Chorégraphie de Christian Spuck
Ballet Zürich
Dommage que la première partie soit si ennuyeuse, la deuxième est d’une intensité et d’une qualité rare.
Marcel d’interprétation – Ballet
La
prestation d’Anna Khamzina en Olimpia dans Der Sandmann méritait d’être distinguée, étant la seule à nous tirer de la
lourde torpeur dans lequel Christian Spuck plonge le spectateur dans sa
chorégraphie, par sa magnifique interprétation.
N’étant absolument physionomiste, je reconnais pourtant Katja Wünsche sur scène dès qu’elle danse : l’accompagne systématiquement sur scène une aura qu’elle est la seule à posséder. Une précision, une qualité d’exécution, une élégance du geste qui ne sont propres qu’à elle.
N’étant absolument physionomiste, je reconnais pourtant Katja Wünsche sur scène dès qu’elle danse : l’accompagne systématiquement sur scène une aura qu’elle est la seule à posséder. Une précision, une qualité d’exécution, une élégance du geste qui ne sont propres qu’à elle.
Marcel de Plomb – Ballet
Chorégraphie
de Marius Petipa, Lev Evanov et Alexei Ratmansky
Ballet
Zürich
Il a beau s’être
joué à guichets fermés avec une reprise la saison prochaine, il n’en reste pas
moins que le Lac des cygnes n’était
pas bien intéressant. Non pas du fait de ses interprètes, tous très bons, mais
simplement parce que la machine à remonter le temps d’Alexander Ratmansky ne
présente qu’un intérêt limité, si ce n’est qu’en tant que curiosité historique
ou que conservatoire des techniques… La danse a évolué en 150 ans, et pour le
mieux. Si vous aimez la danse, il y a plus intéressant à voir. Ceci dit, ce n’est
pas mauvais, juste très ennuyeux, ce qui finalement positif si c’est le pire
que le Ballet de Zürich a à nous montrer.
Opéra
Marcel d’Or – Opéra
Marcel de la mise en scène
Marcel des décors
Marcel des costumes
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Mimi (Guagun Yu) & Rodolfo (Michael Fabiano) Crédit photo : Judith Schlosser |
Direction :
Giampaolo Bisanti
Mise en
scène : Ole Anders Tandberg
Décor :
Erlend Birkeland
Costumes :
Maria Geber
Il y a ces
occasions trop rares où on ne trouve rien à critiquer. Musicalement, sur les
interprètes ou sur la mise en scène. Une mise en scène inspirée, originale,
enlevée, géniale. Et sur les aspects techniques, enfin ! Un décor
complexe, riche, beau, sans scène qui tourne comme un manège ou plancher
incliné sans raison. Il en va de même pour les costumes, beaux et très justes,
qui participent avec le travail sur le décor du succès de cette production, qui
est rentrée immédiatement dans mon panthéon personnel à côté de la mise en
scène de Don Giovanni par Michael
Haneke à l’Opéra de Paris, il y une bonne dizaine d’années.
Marcel d’Argent – Opéra
Direction :
Gabriel Feltz
Mise en
scène : Sebastian Baumgarten
&
Direction :
Fabio Luisi
Mise en
scène : Tatjana Gürbaca
Die Hamletmaschine était la prise de risque du programme
2015-2016, l’accueil publique fut hélas mitigé. Dommage pour une œuvre intéressante
et exigeante, intelligemment mise en scène et en musique.
La reprise
de la mise en scène de la Flûte enchantée
par Tatjana Gübarca, dont j’avais apprécié l’Aïda la saison passée, était une soirée très plaisante : bien
interprétée et dirigée, avec une mise en scène qui dynamisait un livret plutôt
connu pour ses longueurs. Dommage pour la pauvreté des décors et des costumes.
Marcel d’interprétation – Opéra
Evelyn
Herlitzius (Elektra dans Elektra de
Richard Strauss)
Dans ce qui
est sinon un naufrage, Evelyn Herlitzius semble léviter au-dessus de la scène
(sauf au début, où le metteur en scène la fait ramper) et livre une démonstration
magistrale dans l’un des rôles les plus exigeants du répertoire lyrique.
Marcel de la direction musicale - Opéra
Fabio Luisi
(la Flûte enchantée)
Une
direction musicale inspirée de la partition de Mozart par le directeur musical de l’Opernhaus.
Marcel de Plomb – Opéra
Direction :
Daniele Rustioni
Mise en
scène : Christoph Marthaler
Mise en
scène débile et contente d’elle, interprètes aux fraises, chef d’orchestre
parti cueillir les champignons, orchestre à la ramasse. Rien à sauver.
Petit Marcel de Plomb – Opéra
Direction :
Lothar Koenigs
Mise en
scène : Martin Kusej
Sauvé par Evelyn Herlitzius, le seul
mérite de Martin Kusej étant de la laisser faire son travail en
paix, pendant qu’il fait absolument tout et n’importe quoi derrière elle. A l’exception
d’elle et de Michael Laurenz, le reste de la distribution oscille entre le
médiocre et le consternant.
Marcel de Plomb de la mise en scène
Direction :
Laurence Cummings
Mise en
scène : Herbert Fritsch
« Oh,
c’est dommage que vous soyez parti avant l’entracte pour King Arthur. »
- Je n'en pouvais vraiment plus et c'était sans espoir.
- Oh, mais
vous savez, c’était mieux après l’entracte !
- ça ne
pouvait pas vraiment être pire, non ?
L’ouvreuse
a préféré ne pas répondre à cette dernière question.
Marcel de Plomb du décor
Michael
Levine (Wozzeck) & Henrik Ahr (I Puritani)
Les décors
les plus inintéressants de la saison sont ceux des deux mises en scène d’Andreas
Homoki. On y trouve des similitudes frappantes : c’est laid, fade, pauvre, ça
bouge mais ça n’apporte rien si ce n’est compliquer la vie des interprètes. Soyons
indulgents avec les décorateurs, l’idée de départ doit venir du metteur en
scène pour les deux décors. Mention spéciale pour les 4 grands cadres jaunes de
Wozzeck. Au moins, ça n’a pas dû
couter cher.
Marcel de Plomb du costume
Victoria
Behr (King Arthur)
Les
costumes de Victoria Behr pour King
Arthur sont une violente agression visuelle. A sa décharge, les costumes
sont assez dans le ton du dégueulis de mise en scène d’Herbert Fritsch, la
laideur et les couleurs criardes sont, espérons, intentionnelles.
Swann